Lorsqu’on pousse la porte de M.H. Grovers & fils, ce n’est pas difficile d’imaginer que ce commerce de Verdun en est à sa quatrième génération. L’endroit respire un savoir-faire et une notoriété qui ne s’acquiert qu’avec les années d’expérience.
L’histoire débute en 1925, quand Max Hirsh, le grand-père de Kenny Grover, l’actuel propriétaire, ouvre une boutique de vêtements pour hommes au coin des rues Desmarchais et Wellington, à Verdun. En 1945, le commerce s’installe à son emplacement actuel, au coin de la 3e Avenue.
Au départ, le magasin vendant surtout des vêtements de travail : chemises blanches, bleues ou beige, l’uniforme des travailleurs de l’époque ainsi que des vêtements pour hommes de toutes tailles. Aidé de son fils Ronny Grover, qui a repris la boutique en 1945, M. Hirsh habillait les travailleurs du quartier et des environs.
Aujourd’hui, c’est Kenny Grover, qui tient la barre de la boutique, épaulé depuis deux ans par son propre fils, Jacob, qui assurera la relève. L’avenir est déjà assuré : «Je peux déjà voir qu’il sera meilleur que moi», confie Kenny avec une pointe de fierté.
Au départ, le magasin s’adressait aux hommes de toutes tailles. Bien que l’offre se soit élargie à des vêtements pour toutes les occasions au fil du temps, un tournant s’opère en 1995, alors que plusieurs des neuf magasins pour hommes de la rue Wellington migrent vers le Carrefour Angrignon. Afin de tirer son épingle du jeu, Kenny Grover, prend alors la décision de se spécialiser dans les vêtements pour hommes de grande taille.
Un choix audacieux qui s’avère gagnant. Aujourd’hui, il n’existe qu’une poignée de boutiques comparables au Canada, dont seulement deux à Montréal. «L’autre a une offre plus bas de gamme. Nous, on mise sur les vêtements haut de gamme, donc les gens viennent vraiment d’ailleurs.», explique Kenny. Résultat: sa clientèle dépasse largement les frontières de Verdun. Il estime qu’environ 80% de sa clientèle vient de l’extérieur du quartier.
«J’ai eu des clients de l’Australie, deux personnes de l’Allemagne, j’ai eu des gens de la Nouvelle-Écosse, de Vancouver… J’ai eu un client d’Edmonton qui est venu spécifiquement pour acheter ici», énumère-t-il.
Si Grovers a traversé un siècle, c’est aussi grâce à son flair pour répondre au besoin de la clientèle, sans compromis sur la qualité. Il a introduit les habits et vestons il y a 25 ans, et plaisante sur la quantité de sweatpants qu’il a vendue durant la pandémie.
La boutique accorde une importance à ses fournisseurs et tient de nombreuses marques tant canadiennes qu’internationales. La majorité des habits sont confectionnés au Canada, et même si certaines chemises viennent d’ailleurs – «sinon elle couteraient 250$ l’unité», précise Kenny – le mot d’ordre demeure le même : offrir de la qualité tant dans le produit que dans le service.
Parce que le service personnalisé et attentionné fait aussi la réputation de Grovers. L’équipe, composée de sept personnes expérimentées, est toujours prête à conseiller et à accompagner les clients, même en dehors des heures habituelles. Jacob raconte : « Dimanche dernier, j’ai conduit jusqu’au centre-ville pour porter un habit chez le couturier pour un client qui en avait besoin le lendemain. Ce n’est pas partout que tu trouves ce genre de service. »
Jacob Grover ne travaille que depuis deux ans à la boutique, mais il a déjà l’aisance et l’assurance de quelqu’un qui a l’entrepreneuriat dans le sang. Diplômé en économie, il s’est joint à son père sans hésitation lorsque celui-ci lui a offert de reprendre graduellement les rênes de l’entreprise. Kenny lui enseigne donc les rouages du métier. « À mes yeux, ça prend quatre ou cinq ans pour bien connaître tous les aspects de l’entreprise. », explique-t-il.
La complicité entre père et fils est évidente. Ils terminent les phrases l’un de l’autre et partagent une confiance mutuelle palpable. Quand on lui demande s’il appréhendait certains défis à l’idée de travailler avec son père, Jacob nous répond sans hésiter: «Je n’ai jamais eu un doute. Je n’ai jamais douté une seule seconde. Tout se passe vraiment bien. »
Plutôt humble, Kenny de son côté, raconte avoir toujours gardé en tête qu’il gérait le magasin de son père : «Il m’a donné une base, et j’ai construit dessus. Si ce n’était pas de lui, je ne serais pas ici. Il m’a toujours conseillé et aidé dans mes décisions.»
Malgré sa passion actuelle, Kenny n’avait pas prévu ce parcours : «Je n’ai jamais vraiment voulu être ici. Je n’ai jamais aimé le magasin. Mon père travaillait tout le temps, six jours par semaine, il ne prenait jamais de vacances… Mais un jour après 1 an et demi sur le marché du travail, je n’aimais pas ce que je faisais. Ça devait être en novembre 1984. Mon père m’a dit de venir l’aider pour les Fêtes. Je suis rentré et… je n’ai jamais quitté.»
La boutique recèle aussi des trésors du passé, comme de nombreuses photographies historiques de Verdun, et leur ancienne caisse enregistreuse, datant de 1910 et qui fonctionne toujours… mais qui ne peut pas enregistrer de transactions de plus de 100 $! C’est avec elle que Kenny a commencé à travailler en 1985.
Et puis il y a les fournisseurs de longue date, comme Stanfield’s, nous explique Jacob, qui fournissent des sous-vêtements depuis «…forever! », plaisante Kenny, depuis son bureau, dans une apparente complicité père-fils.
Et demain ? Grovers mise sur la continuité. La boutique vend déjà 15 à 20 % de ses produits en ligne, mais l’expérience en magasin reste irremplaçable. Avec l’implication grandissante de Jacob, l’entreprise familiale est prête à écrire le prochain chapitre de son histoire.
Un siècle après son ouverture, M.H. Grovers & fils est plus qu’une boutique: c’est un pan de mémoire verdunoise, un repère pour des milliers d’hommes qui, un jour, ont trouvé ici le vêtement qu’ils ne trouvaient nulle part ailleurs.